Interview exclusive avec les représentants du HCR sur la crise de Dongo: Qui est Udjani?
Q: Pouvez-vous nous donner un bref historique de la dynamique locale du conflit? Combien de temps y a t-il eu des tensions entre les Boba et les Lobala? Quels sont les principaux sujets de discorde?
Camilla: Un petit mot sur le contexte politique: le secteur Dongo est divisé en six groupements, presque tous étant sous la direction coutumier de la tribu des Lobala. Le Boba proviennent du secteur Bomboma au sud-ouest de l'Lobala, mais, parce qu'ils n'ont pas accès à la rivière et ont toujours eu plus de possibilités d'étudier, ils sont parvenus progressivement à prendre d'importantes positions administratives et commerciales dans le centre de Dongo, la capitale du secteur.
Les candidats Boba ont également cherché à gagner le poste politique clé du chef de secteur, qui, en vertu du droit coutumier doit aller aux Lobala, mais dans le cadre du système électoral actuel, n'importe qui peut se présenter aux élections. Les Lobala viennent de remporter de justesse le poste de chef de secteur.
En raison de la domination croissante de Boba dans le centre de Dongo et les régions avoisinantes, les Lobala se sont sentis de plus en plus marginalisés, et ont cherché avec le récent conflit à exprimer leurs frustrations par la force militaire.
Q: Si je comprends bien, le conflit actuel n'a pas éclaté entre les Boba et Lobala, mais entre deux sous-groupes de la communauté Lobala, le Enyele et le Manzaya. Pouvez-vous expliquer la cause du conflit entre ces deux groupes et la façon dont il est lié à à l'ensemble du conflit entre les Boba et Lobala?
Camille: C'est vrai que l'immense conflit entre les Boba et Lobala a d'abord été provoqué par des tensions localisées entre deux groupes ethniques, les Enyele et le Manzaya. Les Enyele et Manzaya sont à la fois Lobala. Leurs peines remontent aux années 1940 et se centralise autour de l'accès aux étangs de pêche, qui appartenait initialement aux Enyele. À l'époque, un certain nombre d'accords ont été conclus dans lesquels le Manzaya seraient autorisés à pêcher en collaboration avec le Enyele. En échange, les Manzaya assureraient la sécurité des étangs car ils étaient connues comme des chasseurs féroces. Au fil des ans, le Manzaya rompirent ce pacte à de nombreuses reprises en surexploitant les étangs sans en informer le Enyele.
La situation atteint son paroxysme en 2007 quand un homme Manzaya fut capturé en train de pêcher illégalement sur le territoire Enyele. Par conséquence, lui et sa femme Boba, furent battus par la population Enyele. Lorsque finallement les indemnités finalement furent payées aux Manzaya, les dirigeants de la communauté, y compris le père de la femme Boba, estimèrent qu'elles étaient insuffisantes. En conséquence, les Manzaya prirent le contrôle des étangs et empêchèrent les Enyele de pêcher durant les deux prochaines années. Cela conduit à de violents affrontements entre les deux groupes, la plus spectaculaire en Juillet 2009, le déplacement de tout le village et l'incendie de centaines de maisons des Manzaya par les Enyele
Le Manzaya, qui sont aussi Lobala, ont des liens historiques avec les Boba - et quand leur population fut déplacée en raison de la violence exercée contre eux par les Enyele en 2009, ils fuirent vers les zone contrôlées par les Boba en Equateur. Cette connexion avec les Boba est le principe en vertu duquel les politiciens et hommes d'affaires Lobala commencèrent à soutenir l'insurrection contre les Manzaya pour créer une plus grande plate-forme de défense des droits de Lobala contre les Boba, et répondre à leurs doléances grandissantes
Q: Qui est Udjani et comment est-il devenu le leader des rebelles Enyele?
Steve: Après plus d'un an et demi sans avoir accès à leurs propres étangs de pêche, en Février 2009, les Enyele tentèrent de négocier avec les Manzaya. Malgré onze heures de discussions, ces derniers refusèrent finalement de céder tout accès aux étangs.
En conséquence, les Enyele furent appel au sorcier le plus célèbre («féticheur») dans la région sous le nom de Ibrahim Mangbama. Ibrahim Mangbama aurait souvent effectué des rites spéciaux pour l'ancien président Mobutu. Lorsque l'AFDL de Laurent Kabila déposa son client privilégié en 1997, Ibrahim Mangbama fui du côté de la rivière vers la République du Congo. Les Enyele espéraient qu'il allait performer des cérémonies magiques qui leurs donneraient la force physique de vaincre les farouche Manzaya. Comme Ibrahim Mangbama avait formé son fils Udjani, il décida de l'envoyer à sa place enfin de commencer à former les jeunes Enyele dans les pratiques traditionnelles à l'encontre des Manzaya. Au mois de Juillet, il fut rapporté qu' Udjani avait déjà formé plus de 350 jeunes hommes Enyele. Toutes les informations que nous avons réunis semblent indiquer qu' d'Udjani n' avait pas d'autres ambitions en dehors d'aider simplement les Enyele à reprendre les étangs de pêche des mains des Manzaya.

Quel rôle ont joué les hommes politiques nationaux et des officiers militaires dans la création de l'insurrection?
Steve: À la lumière de leur net succès, à reprendre les étangs de pêche sous la direction de Udjani, des notables Lobala à travers la RDC et dans la diaspora à lui rejoignirent en appuyant ses forces dans l'espoir de créer une plus large plate-forme pour défendre leurs intérêts socio-économiques et leur marginalisation politique en faveur des Boba. En outre, un certain nombre d'officiers des FARDC prirent congé et venirent se joindre aux rebelles en passant par la République du Congo . Il fut rapporté qu'un capitaine avait notamment veuillé à la formation militaire des insurgés Enyele.
Il semblerait que les député national Léon Botoko et provincial Oscar Molambo sont parmi ceux qui soutiennent les insurgés. Un démobilisés insurgés, qui prétendait avoir été chauffeur d' Udjani, nous a dit que les politiciens Lobala ont cherché à créer un lien entre l'insurrection et la force de sécurité de Jean-Pierre Bemba qui veuillait sur son vaste territoire à Gemena depuis les violences d'après-élections à Kinshasa en 2006. Botoko avait contacter
le capitaine responsable de l'unité et ils auraient accepté de se joindre aux insurgés une fois qu'ils auront atteint Gemena.
Edo Nyabotabe était Le chef de secteur à Dongo au cours de la violence initiale entre les Enyele et Manzaya. Il fut suspendu de ses fonctions au début de Septembre pour avoir été en faveur des Enyele. Ce fut une erreur critique de la part du gouvernement car non seulement Edo rejoignit l'insurrection d'Udjani, mais sa suspension servi à stimuler une plus grande crainte que les Boba allait bientôt prendre le poste-clé de chef de secteur occupé jusque là par les Lobala.
Pendant ce temps Udjani se fit surnommer "Nkunda II," reflétant l'espoir des dirigeants Lobala dont il avait l'appui que son mouvement armé allait fournir une plate-forme plus forte que le CNDP dans le but de forcer des concessions politiques avec Kinshasa.
Q: Quel rôle a joué la présence d'armes dans la représentation des ex-combattants de l'Équateur mécontents?
Steve: On estime que les armes que les insurgés employaient provenaient de multiples sources: a) celles dont les Manzaya utilisaient pour la chasse, b) celles confisquées à la police, c) celles dont les officiers FARDC Lobala ont apporté avec eux, d) celles qui ont été recueillies de caches d'armes dans le secteur du MLC Dongo par le chef de secteur Edo.
Tout au long de secteur Dongo, il y eut de nombreux soldats démobilisés de MLC qui n'avaient jamais reçu aucune aide financière de la part de CONADER, Progamme national de démobilisation, pour leur réinsertion dans l'armée nationale. Plus de 400 de ces ex-MLC commencèrent à s'inscrire au service d'Udjani, un grand nombre d'entre eux reçurent des paiements. Ironiquement, après cela la CONADER dépérit suite à l'incompétence et la corruption de ses agents, l'un de ses anciens membres du personnel fut nommé nouveau chef de secteur à Dongo, afin de diriger les efforts de réconciliation du gouvernement entre les Lobala et Boba.
Q: Le conflit s'escalada ensuite entre Octobre 21 et 28, 2009. Que s'est-il passé?
Camilla: Puisque le centre Dongo était devenu le centre des frustrations des Lobala avec de plus en plus de contrôle des Boba, il est logique que c'est là qu' Udjani aurait prevu sa première attaque majeure.
La nuit précédant l'attaque, le chef de secteur intérimaire reçu une liste de noms des personnes qui seraient ciblés - ceci incluait les politiciens Boba qui avaient l'intention de briguer le poste de chef de secteur dans les prochaines élections locales.
Tôt dans la matinée, les forces d'Udjani arrivèrent au centre de Dongo et a commencèrent à cibler systématiquement les Boba - se rendant de maison en maison, et tuant des gens et incendiant des maisons tout au long du chemin. Finalement, selon la population locale que nous avons interrogés, les insurgés commencèrent à cibler toutes les populations locales qui tentaient d'échapper à la violence.
les gens s'inondèrent au bord du fleuve Oubangui pour tenter de s'échapper de l'autre côté pour leur sécurité. Nous avons rencontré des femmes déplacées qui nous ont dit que leurs enfants et maris avaient été tués dans les violences, ou ils s' étaient séparés et ne savait pas où étaient les membres de leur famille.
D'après ce que nous avons appris, les insurgés ont affirmé qu'ils se sont retirés du centre de Dongo de leur propre gré le 7 Novembre 2009, après avoir accompli leur objectif qui était de chasser les Boba. Ils furent remplacés par la force d'intervention rapide de la police nationale et un petit peloton de Casques bleus ghanéens de la MONUC. Néanmoins, après le depart du commandant de la police vers Gemena pour le réapprovisionnement de vivres, les troupes d' Udjani décida d'attaquer le centre de Dongo pour la deuxième fois dans la nuit du 28 Novembre.
Lorsqu' un hélicoptère de la MONUC chercha à atterir le lendemain matin, les insurgés tentèrent de l'abattre et blessèrent cinq militaires et personnel civil de la MONUC, qui seront ensuite transférés à Impfondo en République du Congo pour un traitement médical.
Après avoir expulsé les Ghanéens et dérober un grand transporteur de troupes blindé (TTB), Udjani et ses bailleurs de fonds commencèrent à croire qu' ils pourraient éventuellement conquerir Kinshasa.
Q: Comment les FARDC agirent -elles lorsqu'elles ont été déployées pour réprimer la rébellion?
Steve: Après qu' Udjani ait chassé les forces de la police nationale (Police d'intervention rapide - PIR) de Dongo pour la deuxième fois, les insurgés se dirigèrent vers Gemena au début du mois de Décembre. Les premières unités des FARDC à être déployés sur le terrain fut la 10e Brigade venant de Kisangani . Ayant subi deux défaites consécutives aux mains des troupes d' Udjani, qui utilisaient maintenant le TTB de la MONUC qu'ils avaient saisi des mains des Ghanéens dans le centre de Dongo, la 10e Brigade se comporta un peu comme les unités des FARDC à l'Est. A Bozene, nous avons appris des comptes de viols et de pillages par cette unité sur le trajet de la ligne de front
Pendant ce temps, la MONUC était entrain de faire survoler en hélicoptère la Brigade Commando, qui avait reçu une formation avec les Belges à Kindu. Cette brigade infligea une defaite retentissante aux insurgés Enyele et aussi à la résistance de la population autour de Ngabaka Gemena (dont Jean-Pierre Bemba est membre) . Ils les repousserent vers leur village où le conflit de la pêche avait initiallement commencé. Le 1er Janvier 2010, il fut rapporté que plus de 150 insurgés furent tués par les commandos formés par les Belges.
L'armée congolaise a déclaré avoir généralement respecté la population civile tout au long de leur déploiement dans ces régions, leur seule bavure étant les abus commis par la 10e Brigade,. Néanmoins, nous avons appris que les villages des Lobala furent brûlés sur l'axe entre Dongo et Enyele. Il eut aussi les opérations consistant à forcer les personnes déplacées à rentrer chez eux , connues sous le nom «escorte».
A suivre...